Le Blog de l'APE du Conservatoire de Musique et Danse d'Aurillac


25/03/2015

Rencontre avec Christine Thibault



APE : Bonjour Christine, est-ce que tu peux te présenter ?
CT : Bonjour, je m’appelle Christine Thibault, je suis professeur de saxophone, j’encadre également des ateliers d’improvisation, un ensemble de saxophones et j’accompagne des classes de danse à horaires aménagés.

APE : Depuis combien de temps enseignes-tu au conservatoire ? Qu’est ce qui t’a amenée ici ?
CT : Alors … ça fait 28 ans maintenant ! C’est un pur hasard qui m’a amenée à Aurillac : j’étais encore au conservatoire de Boulogne Billancourt et je n’avais pas terminé mon dernier cycle (je n’avais pas encore de prix comme on disait à l’époque). J’étais en stage à Lyon et la personne qui était professeur à Aurillac, Pascale Amiot, a annoncé qu’il lui fallait un remplaçant dans trois jours ! Sachant que j’avais besoin de rentrer dans la vie active, le professeur qui dirigeait le stage m’a proposé le poste. J’ai alors pris contact avec Denyse Montoya qui était à l’époque directrice du Conservatoire, j’ai regardé sur une carte où se trouvait Aurillac et je suis arrivée !

APE : C’est donc ton premier poste ?
CT
: Exactement ! J’ai eu un parcours très classique : j’ai commencé la musique à 8 ans à l’école de musique de Châtellerault dans la Vienne, puis au conservatoire de région de Poitiers et ensuite au conservatoire de Boulogne Billancourt qui était un peu la succursale du conservatoire de Paris, avec Claude Delangle, actuel professeur de saxophone au conservatoire de Paris. Ensuite j’ai passé mon diplôme d’état et le concours de professeur d’enseignement artistique.

APE : Te rappelles-tu pourquoi tu as choisi cet instrument ?
CT
: Ah oui, très bien ! En fait pour deux raisons, il s’est passé deux évènements très forts. Ma famille n’étant pas une famille de musiciens, j’ai donc commencé la musique un peu par hasard car il y avait une annexe du conservatoire au centre social en bas de chez moi. A l’époque on faisait deux ans de solfège avant de commencer un instrument. Le fils de mon instituteur de l’époque jouait du saxophone et il répétait pendant les récréations ; moi, à toutes les récréations je me cachais sous le bureau pour l’écouter ; j’étais fascinée par cet instrument. L’année suivante, un quintette à vent est venu faire une intervention dans mon école, et là j’ai rencontré le professeur de saxophone, quelqu’un d’infiniment généreux, alors quand j’ai pu choisir mon instrument à la rentrée, c’était le saxophone !

APE : As-tu ressenti une place particulière de ton instrument, très récent dans l’histoire de la musique, durant ton parcours, ou avec tes élèves ?
CT
: Mon premier professeur André Delage, qui est une personne très importante pour moi, était quelqu’un de très ouvert ; Il nous faisait beaucoup jouer dans des situations très variées, en orchestre, en quatuor, dans des maisons de retraites, des stages et il nous a fait aborder très jeunes des styles très variés. 
Il avait eu un parcours classique mais faisait aussi du bal, du big band … Il a formé Serge Bichon qui était professeur au CNR de Lyon, ce dernier a formé Claude Delangle …voilà la lignée !!

Par contre quand j’ai poursuivi mes études supérieures au conservatoire de Boulogne, ça a été une autre histoire : les saxophonistes de jazz étaient considérés comme des saxophonistes « ratés » (qui s’étaient mis au jazz parce qu’ils n’avaient pas réussi en classique, …), la musique traditionnelle, n’en parlons pas !

La pratique de styles différents au saxophone est apparue pour moi quand je suis arrivée à Aurillac, avec la rencontre de musiciens de rue, de gens issus du monde traditionnel, du monde du jazz et de l’improvisation.

APE : Pourrais-tu nous parler de quelques projets auxquels tu as participé ?
CT
: J’ai fait beaucoup de musique de rue pendant très longtemps avec un groupe qui s’appelait Musicotte : on mêlait improvisation et musiques traditionnelles. J’ai eu mes premières grandes émotions avec les premiers carnavals à Aurillac, où finalement je me suis vraiment sentie musicienne ; en voyant les gens danser et sourire à l’écoute de la musique, je me suis dit « je sais pourquoi je fais de la musique ».

J’ai vécu aussi pas mal de choses avec des gens de théâtre, des compagnies de théâtre de rue, beaucoup de musiques de scène avec Thérèse Canet notamment, mais aussi avec des danseurs en improvisation.

APE : Et avec tes élèves ?
CT
: Là aussi ça a été très varié. A Aurillac j’ai toujours bénéficié d’une grande liberté d’exploration tant dans les modes d’apprentissage que dans les projets : Musique de Cabaret, Big Band, et puis surtout un gros projet La Horde, une fanfare de rue montée avec l’ancien professeur de trombone du conservatoire Fabrice Charles. Cette Horde, qui vit encore actuellement de manière associative, mais sans moi, m’a permis de rencontrer des gens issus de pratiques musicales très variées et a permis à beaucoup d’élèves d’expérimenter une pratique musicale très ouverte et surtout très festive.

Avec La Horde et Alfred Spirli


APE : Comment est né ce projet ?
CT
: Les choses comme ça se font souvent par hasard ; Fabrice Charles avait un grand groupe d’élèves qui commençait vraiment à bien jouer. De mon côté j’avais une belle série de saxophonistes et je travaillais beaucoup les musiques traditionnelles. Un jour nous nous sommes dit « Mais rassemblons-nous ! » et puis « Ca serait bien d’avoir des percussionnistes avec nous », « et pourquoi pas des musiciens traditionnels ? ». Le groupe s’est transformé en groupe de musique de rue ; on a invité des anciens élèves du conservatoire qui faisaient leurs études musicales à Saint Etienne, et puis on a commencé à faire appel à des gens extérieurs comme par exemple Francis Mounier (qui d’ailleurs retravaille actuellement avec La horde ; l’histoire se répète, la vie fait des boucles).

C’est un groupe qui a alors vraiment commencé à vivre, se nourrir de répertoire traditionnel arrangé et d’improvisation grâce à des gens comme Francis mais aussi Fabrice qui est un musicien improvisateur. L’idée de départ était donc de se rassembler, de donner la possibilité aux élèves de vivre une expérience collective, parce que c’est très important, voire essentiel : apprendre à faire de la musique ensemble c’est vivre ensemble, s’investir, s’engager dans un collectif en ayant la conscience du résultat pour et par l’engagement collectif.

APE : on imagine que dans ta discothèque il doit y avoir … beaucoup de choses ?
CT
: Oui c’est très éclectique. Je suis assez fan de grandes chanteuses de jazz comme Billie Holiday, Ella Fitzgerald, de musiciens de l’époque cool en particulier de Gerry Mulligan, saxophoniste baryton et Chet Baker. Mais je suis aussi adepte de Charles Trenet, Juliette Nour, David Bowie, PJ Harvey. En musique classique j’aime beaucoup les musiques du début du XX° : Stravinsky, Ravel, Debussy.

APE : Pourrais-tu nous raconter un des meilleurs moments de ta vie de musicienne ?
CT
: Ça va paraître peut-être un peu anodin, mais je crois que le plus beau souvenir c’est ma première répétition d’orchestre, je n’avais pas encore commencé le saxophone, et le professeur de solfège nous avait donné à tous un petit un instrument pour aller participer à l’orchestre symphonique de l’école de musique. Je me suis donc retrouvée avec quelques coups de triangle à donner, dans je ne sais plus quel morceau, mais je me souviens de l’émotion de cette première participation à l’orchestre comme quelque chose d’incroyable pour un enfant de 8 ans.

APE : Et le pire souvenir ? 

CT : Je ne crois pas avoir de pire souvenir musical. Peut-être la pire situation musicale quand j’étais à Boulogne Billancourt ; c’est un fou-rire qui tourne à l’effondrement, en sanglots collectifs, en quatuor, à un moment très important : l’examen de fin de troisième cycle, celui qu’il ne faut vraiment pas rater… nous étions tellement stressés, c’était affreux comme sensation.

APE : Quels sont selon toi les meilleurs atouts du conservatoire ?
CT
: Il y en a beaucoup puisque très régulièrement les musiciens qui viennent de l’extérieur sont assez ébahis, déjà par les lieux, les bâtiments et par le matériel. Nous sommes dans un cadre vraiment très agréable, très confortable pour travailler. Mais au-delà de ça, un des atouts du conservatoire c’est la grande diversité que nous avons à proposer à la fois dans les pratiques, les disciplines, mais aussi dans les modes d’apprentissage. Et également une grande richesse dans l’enseignement du au fait que les enseignants viennent d’horizons variés, avec des pratiques différentes, et puis une grande liberté qui est donnée à chacun d’expérimenter. Pour moi ça c’est très riche.

APE : Qu’aimerais-tu voir se développer au CMDA ?
CT
: Nous sommes actuellement sur la mise en œuvre progressive d’un nouveau projet d’établissement qui va nous donner vraiment beaucoup d’ouverture, notamment sur les pratiques collectives ; je pense que c’est très intéressant de développer les pratiques collectives amateur (ce n’est pas un gros mot !) : on en a besoin socialement et ça va nous donner je pense un nouveau dynamisme, une nouvelle énergie. Bien sûr cela provoque des remises en question, pour nous, pour notre façon de fonctionner mais ça me semble très intéressant d’avoir de nouveaux objectifs.

APE : Des projets en dehors du CMDA ?
CT
: Autant à une époque j’étais très impliquée dans la musique vivante, musique de scène pour le théâtre, la danse, autant actuellement je suis sur du travail d’arrangement, d’écriture, de composition. J’ai aussi travaillé l’an dernier sur des musiques de court métrage. Il y a d’autres projets qui devraient se profiler, mais attendons … Je travaille actuellement sur de la musique pour l’image, pour des photos.

Et puis j’ai entrepris un travail d’archivage, car depuis 28 ans je fais des arrangements et des compositions pour des orchestres, des ensembles variés et je me suis rendue compte que j’avais énormément de matériaux que je pouvais réutiliser où que d’autres pourraient utiliser. Je fais donc ce travail d’archivage numérique pour les partager …

APE : Pourrais-tu nous faire écouter quelques une de tes créations ?
CT
: « Barbar » a été réalisé uniquement avec des saxophones pour de la musique de scène:
https://docs.google.com/file/d/0B_6NNdenRO5gZUJxZTRLRF9LRkE/edit

« O Sarah », a été composée pour un concert de soutien :
https://docs.google.com/file/d/0B_6NNdenRO5gOUUyQVo5bG9XY28/edit


« Petit homme », a été créé pour un spectacle de danse et notamment utilisé l’an passé par une classe de Julie Decoin :
https://docs.google.com/file/d/0B_6NNdenRO5gQXltWjVyZW1UZzg/edit


J’utilise des sons d’instruments de musique réels mais aussi des instruments virtuels et des sons enregistrés dans la nature ou dans l’environnement quotidien.

APE : Quels sont tes prochains rendez-vous au CMDA ?
CT
: Le concert de musique française du 27 mars avec l’ensemble instrumental des professeurs mais aussi un travail avec des écoles sur des chansons que j’ai composées l’année dernière et qui m’avaient été commandées pour les classes de formation musicales. Les intervenants en milieu scolaire les ont réutilisées, avec certaines classes dans les écoles de la ville, et ont organisé une rencontre début avril avec un quintette à vent et un quintette à cordes dont les musiciens sont des enseignants du conservatoire.

APE : Merci Christine. Voudrais-tu finir en musique ?
CT
: Avec plaisir !







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