Vous devez le croiser souvent, ployant sous son instrument impressionnant. Il a accepté avec enthousiasme de répondre à nos questions. Lors de cette deuxième rencontre, faisons plus ample connaissance avec Patrice Soulié, professeur d'accordéon.
APE : Bonjour Patrice, qui es-tu ???
PS : « J’ai 42 ans. Je suis un pur auvergnat, né à
Aurillac et j’ai passé toute mon enfance à Maurs. Je suis marié et père de trois
enfants de 10, 8 et 5 ans.
Je suis professeur d’accordéon, je dirige l’ensemble
d’accordéons et depuis cette année, je suis le coordinateur des Classes à
Horaires Aménagés Musique (CHAM). J’ai environ 25 élèves au total en comptant
les élèves faisant l’ensemble d’accordéons seulement. »
APE : As-tu d’autres activités musicales en dehors du CMDA ?
PS : « Parallèlement à mon travail au CMDA, je
suis aussi responsable de l’école de musique et danse du Carladès à Vic sur
Cère. C’est une école portée par la Communauté de Commune du Carladès et qui
est en plein développement avec un fort soutien des élus.
Sinon, de façon plus personnelle, j’ai créé en 2000 l’association
Arc en Ciel qui a pour but de promouvoir l’accordéon classique, pour montrer
une autre facette de cet instrument, différente de celle proposée par les nombreuses
associations dédiées à la musique traditionnelle. Nous proposons des concerts sur la région qui permettent
aussi de retrouver et de faire jouer les anciens élèves (Benjamin Clavières,
Pierre Cussac par exemple) avec des
élèves actuellement au CMDA. Cet été il y aura une dizaine de dates sur fin
juillet/début aout. Nous jouerons des compositions de Piazzolla, des transcriptions et arrangements de pièces de J.S. Bach, Offenbach ou Ravel ainsi que des danses populaires russes.
Sinon, je joue occasionnellement, sur des demandes, par
exemple comme la Petite Messe Solennelle de Rossini avec l’Atelier Vocal l’an
dernier. Mais avec les cours, la coordination des CHAM, la direction à Vic et
la famille, ça fait déjà beaucoup !!! »
APE : Raconte-nous ton parcours musical.
PS : « Mes parents
n’étaient pas du tout musiciens mais j’aimais soi-disant beaucoup chanter !!!
J’ai commencé à l’âge de 8 ans à Maurs. Il n’y avait pas tellement de choix à
l’époque ! Mes premiers professeurs ont été André Roques et Elizabeth Goudoubert. Je me suis très vite senti bien avec l’instrument. J’étais très
timide et c’était pour moi un moyen de m’exprimer. J’ai vite apprécié de jouer
dans un ensemble d’accordéons et aussi le côté festif, de pouvoir jouer dans
pleins d’occasions. Je suis resté sur Maurs une dizaine d’années. Je faisais
beaucoup de concours au niveau national et j’ai rencontré, dans les jurys, des
professeurs qui m’ont encouragé à participer à des masters class, à continuer.
A l'âge de 11 ans |
Je suis monté au Conservatoire de Paris dans la classe de Max Bonnay. Pour y aller, il me fallait un billet de train et accessoirement le diplôme du BAC en poche !!! J’ai donc passé un BAC Electronique, et oui ! Aucun rapport !!!
Mais en fait j’ai décidé à 19 ans de me lancer vraiment dans l’enseignement de ma passion.
A Paris, j’ai appris l’accordéon basses chromatiques et abordé un répertoire plus large allant du style baroque à l’écriture contemporaine. Puis j’ai passé l’équivalence du DEM actuel en 2 ans puis 3 ans de perfectionnement, ce qui correspond maintenant au niveau supérieur. Lors d’un concours organisé par l’Union Nationale des Accordéonistes de France, j’ai obtenu le Prix du Président de la République et le Prix de la SACEM en 1994.
Je donnais des cours à droite à gauche et en 1993, j’ai ouvert une école « privée » à Aurillac que j’ai développée une quinzaine d’années.
En septembre 1994, on m’a proposé la place au Conservatoire car Alain Bruel (à l’initiative de la création de la classe d’accordéon quelques années plus tôt) ne souhaitait pas poursuivre dans l’enseignement. Il y avait seulement 6 élèves au début. J’ai continué quand même mon école privée. Petit à petit j’ai eu plus d’heures ici et j’ai définitivement basculé en 2007.
Mes années dans le « privé » m’ont permis d’avoir une vision plus globale de l’enseignement. On est tout seul, il n’y a pas de cours de Formation Musicale, de chorale. Mais j’ai réalisé en entrant au Conservatoire que, pour les élèves comme pour moi, jouer avec d’autres, être dans un milieu avec d’autres instruments, était très stimulant. C’était aussi un moyen pour moi de valoriser la pratique de mon instrument à travers plusieurs styles car les accordéonistes sont vite catalogués dans le répertoire traditionnel ou musette. Il faut savoir que, même dans les concours de la fonction publique, si on a le malheur de dire qu’on vient d’une région où le trad est très implanté et qu’on joue la gigue ou la polka piquée avec ses élèves, on se fait casser !!!!! »
APE : Tu n’es jamais allé vers l’univers trad’ ?
APE : Et maintenant, affrontes-tu des exigences, des
« malentendus » ? As-tu des élèves qui viennent dans l’intention
surtout d’apprendre la musique pour animer des bals ?
PS : « Quelques uns viennent pour ça. Et ils en font ! Mais très vite, je leur joue et je leur propose autre chose et ils sont séduits tout autant. Avec les enfants, ça marche à tous les coups. Ce sont plutôt les adultes qui souhaitent rester sur ce répertoire tout en abordant également des musiques de film ou de chansons françaises du style « la rue Kétanou ».
APE : Quels sont tes goûts musicaux ? Que trouve-t-on dans ta
discothèque ?
PS : "Dans le milieu de l’accordéon, c’est
tellement riche ! J‘écoute beaucoup de bandonéon, Piazzola bien sûr. C’est
le côté expressif qui me parle beaucoup, on passe du feu à la glace. Et le
répertoire est passionnant. Je n’en joue
pas mais je suis intéressé, il me faudrait trouver le temps et quelqu’un pour
m’aider. J’aime beaucoup Richard Galliano aussi, il a énormément contribué à
changer l’image de l’accordéon, à travers le jazz notamment, ou en réalisant des enregistrements du répertoire de Bach par exemple.
Si je sors de l’accordéon, ça part dans tous les
sens !! J’aime beaucoup les musiques populaires des pays de l’est, les
Balkans, la musique Klezmer. J’avais beaucoup apprécié ce que nous avions fait
avec Aksak, ça m’avait ouvert d’autres horizons.
A partir du moment où il y a beaucoup d’expression, ça va me plaire. Je peux aimer des chansons de Jacques Brel, Véronique Sanson. Ce n’est pas le côté technique ou virtuose qui m’emballe le plus, c’est l’émotion, l’atmosphère qu’on peut donner. J’aime tout particulièrement Barbara, le côté simple d’une voix associée à un accordéon qui amène une touche nostalgique ! Elle m’a fait comprendre l’importance de l’interprétation en chant comme avec un instrument. Du coup je mets toujours une image sur une œuvre que j’interprète et je dis à mes élèves d’en faire autant"
APE : Plus anecdotique, quels sont tes meilleurs souvenirs musicaux ?
PS : « Ce n’est pas très lointain, c’était l’été dernier. J’ai eu la chance de partir en Lettonie avec des élèves actuels et anciens pour un projet d’échange avec un ensemble d’accordéonistes de ce pays. Nous avions répété un répertoire commun chacun de notre côté pendant l’année scolaire. Il y avait des inquiétudes notamment avec la barrière de la langue et la crainte de ne pas pouvoir rassembler rapidement les deux ensembles en quelques répétitions sur place. Mais ce langage universel qu’est la musique a très vite opéré et une émotion est passée. Nous étions tous heureux d’être là et de profiter de ses moments de partage et de musique.
Avec les accordéonistes lettons à l'Hotel de Ville d'Aurillac |
A Riga |
Un autre bon souvenir, l’interprétation de « La Foule » en guise de présentation de l’accordéon chromatique à l’Abbatiale St-Géraud en mai dernier avant le concert pour le 40ème anniversaire de la Chorale Multiphonie.
APE : Et les pires ?
PS : « Une grosse déception, ça peut être d’avoir
un élève qui a des capacités et qui arrête, qui ne revient pas à la rentrée
alors qu’il a tout pour réussir.
Plus anecdotique mais amusant, moi quand je fais un couac
lors d’un concert, je souris. Les gens qui me connaissent le savent.
Il y a quelques années, à l’église de Lacapelle Viescamp, avec l’association, on a joué un Ave Maria de Schubert avec un effet de lumière « noire » où seuls les pupitres et les chemises blanches ressortent. Et puis, en plein milieu de l’Ave Maria, un âne à l'extérieur s’est mis à braire. On entendait bien sûr plus que ça. On a tous piqué un fou rire nerveux et avec les lumières noires, les gens voyaient nos dents qui flashaient !! ! »
Il y a quelques années, à l’église de Lacapelle Viescamp, avec l’association, on a joué un Ave Maria de Schubert avec un effet de lumière « noire » où seuls les pupitres et les chemises blanches ressortent. Et puis, en plein milieu de l’Ave Maria, un âne à l'extérieur s’est mis à braire. On entendait bien sûr plus que ça. On a tous piqué un fou rire nerveux et avec les lumières noires, les gens voyaient nos dents qui flashaient !! ! »
APE : Toi qui connais bien la maison, dis-nous quels sont, selon
toi, les atouts du CMDA.
PS : « Nous, professeurs, avons une grande liberté pédagogique. Ensuite, Guillaume Gras l’a dit avant moi, nous avons de très bonnes conditions de travail : les installations, le matériel, les CHAM juste à côté, la proximité avec la population. Bien sûr, il est regrettable que le Conservatoire soit moins accessible aux habitants extérieurs à Aurillac dont je fais partie d’ailleurs ! Mais pour les aurillacois, c’est une chance d’avoir cet outil.
Par contre, l’enclavement de la ville reste un frein pour la réalisation de projets et d’échanges avec d’autres classes d’accordéon en dehors de la région. S’il faut faire des déplacements réguliers, cela devient compliqué. »
Par contre, l’enclavement de la ville reste un frein pour la réalisation de projets et d’échanges avec d’autres classes d’accordéon en dehors de la région. S’il faut faire des déplacements réguliers, cela devient compliqué. »
Il y a même parfois un manque de reconnaissance quand on vient d’ici, lors de jurys notamment. On est vite
catalogué, en accordéon notamment et Giscard d’Estaing ne nous a pas aidés !!!! ! »
APE : Inversement que souhaiterais-tu amener au CMDA ?
PS : « Actuellement, il y a beaucoup de choses qui sont en train d'évoluer avec un nouveau projet pédagogique sur lequel nous travaillons. Moi ce qui m’intéresse le plus, ce sont les échanges. Je regrette qu’il n’y ait pas plus de projets extérieurs au Conservatoire notamment au niveau départemental. On est à rayonnement départemental et on ne le sent pas vraiment. Mais les lignes sont en train de bouger petit à petit.
J’aimerais aller de plus en plus vers une pédagogie de groupe. On est plusieurs à aborder ce travail là. Il y a une exigence autre, ce sont les enfants qui amènent des solutions et des propositions. Par exemple, même des débutants, pour positionner l’instrument, peuvent, par imitation trouver la meilleure posture. L’interaction entre les élèves est plus riche et constructive. Ils acquièrent de l’autonomie plus rapidement. »
APE : Quels sont tes prochains rendez-vous, tes prochains
projets ?
PS : « le 15 mars, toute la classe d’accordéon participe à la journée sur la musique irlandaise.
Sur la fin d’année, ce n’est pas complètement formalisé mais nous devrions participer à un projet d’animations dans les rues d’Aurillac un peu comme la nuit des Lucioles (mais en été !!!) avec Cap cœur de ville.
Dans le cadre des évaluations pour les fins de cycle, quelques élèves accompagnent les classes de danse contemporaine de Julie Decoin le 11 avril et les 13 et 14 juin au Théâtre d’Aurillac.
Enfin, comme je l’ai déjà dit, je serai en concert avec l’association Arc en ciel cet été notamment dans le cadre du Festival d’accordéon de Raulhac fin juillet. »
APE : Merci beaucoup Patrice pour cet entretien très riche !!!
Bravo et merci pour ces interviews qui nous font découvrir les professeurs sous un autre jour ! Et on en apprend de belles : Guillaume écoute de la musique électro et oublie parfois ses partitions; Patrice sourit quand il fait une fausse note ! En tout cas, petits, ils avaient l'air drôlement mignons...
RépondreSupprimer